Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rant, l’image et l’objet ne font qu’un. La connaissance spontanée fait donc concevoir comme existant hors du moi des états sensibles du moi, elle extériorise les sensations mêmes et les montre comme des propriétés et non comme des signes de l’objet extérieur. Il s’est écoulé des siècles avant que ce mirage pût s’évanouir sous la réflexion ; la physique d’Aristote prouve à quel point il est naturel à l’esprit ; la gloire de Descartes et de la physique moderne est de l’avoir dissipé. Mais il s’en faut bien que les savants aient tous conscience du progrès qu’ils ont fait faire à la réflexion, et beaucoup d’entre eux parlent encore de la matière comme s’ils vivaient au temps d’Épicure. Ils en sont encore à cette connaissance demi-réfléchie dont nous voulons signaler la faiblesse et le danger ; ils infèrent encore de la sensation à l’objet sans avoir complètement et résolument distingué l’une de l’autre. Nous allons, pour essayer de les en convaincre, passer rapidement en revue leurs notions de l’être des choses dans les sciences fondamentales, physique, chimie, physiologie.

Occupons-nous d’abord de la physique et voyons où elle en est de sa conception de la matière.


DE LA MATIÈRE EN PHYSIQUE




La physique reconnaît chaque jour qu’elle a pour mission principale d’étudier la cause extérieure des sensations, de rechercher quelles sont dans les objets extérieurs les pro-