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LES DEUX MODES D’EXPÉRIENCE




Pour déterminer quelle est la part de la spontanéité et celle de la réflexion dans l’état actuel des connaissances, nous devons examiner où en sont les doctrines sur l’être et la raison d’être des choses qu’atteignent nos moyens d’observation et d’expérience. Nous rappelons que ces moyens sont de deux sortes : par l’expérience externe que nous tenons de nos sens, nous constatons en nous des affections auxquelles nous attribuons des causes hors de nous ; par l’expérience interne, nous constatons dans nos affections et dans nos actes quelque chose de nous-mêmes, si peu que ce soit. Commençons par examiner l’œuvre de l’expérience externe, les données qu’elle fournit à l’esprit, et comment l’esprit résout sur elles les questions d’être et de raison d’être dont la solution peut seule les rendre intelligibles, les faire comprendre.


EXPÉRIENCE EXTERNE




La première exigence de l’esprit, percevoir nettement avant de juger pour être en état de juger, se rencontre chez l’enfant et chez l’ignorant au même degré que chez l’homme cultivé. Chacun s’efforce également d’accommoder ses sens à