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Et tous, du rossignol jusques au léopard,
Maudissent, indignés, la bande sacrilège :
« Où vais-je désormais chanter ? — Où chasserai-je ? —
Luttons, fortifions la place ! » — Il est trop tard !

Les assiégeants y sont, et l’attaque est hardie.
Les uns, impatients d’un paresseux progrès,
Prétendant que la cendre est le meilleur engrais,
Condamnent la forêt entière à l’incendie.

Les autres, respectant son âge et ses beautés,
Merveilles de la sève à grand’peine obtenues,
Y veulent seulement percer des avenues,
Y faire entrer le jour et l’air de tous côtés ;

Leur vœu, c’est que le bois s’émonde et s’aménage,
Purgé des carnassiers, ses premiers occupants,
Pourvu que les oiseaux, à l’abri des serpents,
Y conservent leurs nids, leur voix et leur plumage ;

Ils ne méditent pas d’abattre ou brûler tout :
Ils voudraient voir, mêlés au milieu des bruyères,
Palais et chaumes luire au soleil des clairières,
Et les chênes sacrés mourir en paix debout.