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Et je sais maintenant d’où nous vient l’allégresse
Qui nous monte du cœur au front, et le redresse,
          Et l’illumine, chaque fois
Que l’âme, en affrontant ce que la chair abhorre,
Soumet la vie à l’ordre, et, sage, collabore
          À l’Idéal avec les lois :

C’est toute la Nature en nous-même contente,
Louant l’humanité pour elle militante,
          Laborieuse et souple au frein ;
Elle dit : « Gloire à toi dont le zèle conspire
Avec mon vaste règne au bien de mon empire,
          Et m’aide à l’œuvre souverain !

« Ma fille, prends le sceptre ! Il sied que tu partages,
Avec mes soins royaux, mes royaux avantages,
          Règne ! Mon trône est n’importe où.
Je remettrai ma torche et ma foudre en ta droite,
Dans un éclair tiré de ta planète étroite
          Comme le feu l’est d’un caillou.

« Ce que ton bras si frêle et la flamme si mince
De ton intelligence ont fait de ta province
          M’emplit d’un maternel orgueil.
Va ! Si je t’ai donné des angoisses de reine,
Mes lois t’enseigneront ma majesté sereine
          Dans la bataille et dans le deuil.