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C’est du conflit des corps que le droit est venu.
Si l’homme était une ombre, ou qu’il fût solitaire
Et qu’il se pût nourrir comme il se désaltère,
D’un peu d’eau, fruit du ciel, sans culture obtenu,

Tout désir ne serait qu’un souhait ingénu,
Du pouvoir de jouir aiguillon salutaire,
Et le besoin, sans nom, serait mort-né sur terre ;
Le mot justice même y serait inconnu ;

Exempte d’imposer ou subir un partage,
La vie, essor sans cesse élargi davantage,
S’épandrait sans donner ni recevoir de heurt.

Mais nos prisons de chair se disputent l’espace,
La place de tes pieds, il faut que je m’en passe :
Toujours d’un droit qui naît une liberté meurt.




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