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L’Amour avec la Mort a fait un pacte tel
Que la fin de l’espèce est par lui conjurée.
Meurent donc les vivants ! la vie est assurée :
L’amour dresse, au milieu du charnier, son autel !

Tous lui font un suprême et souriant appel ;
Comme, avant de servir aux tigres de curée,
Tous les gladiateurs saluaient la durée
Et la gloire du peuple, en son maître immortel.

Amour, qui, façonnant ta victime à sa tâche,
La rends brutale et souple, aventureuse et lâche,
Pour abattre ou tourner la barrière à tes vœux,

Amour, ne ris-tu pas des roucoulants aveux
Que depuis tant d’avrils la puberté rabâche,
Pour en venir toujours (triste après) où tu veux ?




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