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La masse, il ne saurait exister aucun vide ;
Ainsi l’atome est plein, sans vide au plein mêlé.
     Puisqu’aux objets formés nous découvrons du vide,
Il doit donc à l’entour exister du solide ;
Et certes l’on feindrait sans aucun fondement
Qu’un vide est dans leur masse enclos intimement ;
Car encor faut-il bien qu’une paroi l’enserre,
Et qu’est-elle ? sinon quelque amas de matière
Qui compose à ce vide un emprisonnement.
La matière peut donc, en vertu de sa masse,
Être éternelle, alors que périt l’agrégat.
     Se pût-il que le vide au monde entier manquât,
Tout serait donc massif, et s’il ne fût pas trace
De corps venant former tous en leurs lieux des pleins,
Tout serait pénétrable en ces abîmes vains.
Or, le vide et le plein se partagent le monde ;
Aucun n’en bannit l’autre et n’est tout l’univers.
Afin donc que le vide au plein ne se confonde,
Il faut l’atome, un corps qui les fasse divers.
Aux assauts du dehors il reste invulnérable ;
Rien ne peut desserrer sa trame impénétrable.
Enfin, et mes leçons l’ont déjà démontré,
D’une épreuve quelconque il sort inaltéré.
Ni rupture, ni choc en effet n’est possible
Sans vide, rien n’est plus aux tranchants divisible,
Plus rien n’absorbe l’eau, le froid qui gagne et mord,
Ni le feu pénétrant, ces ministres de mort ;
Et plus la chose atteinte offre de vide en elle,
Plus leur intime attaque a de mortel effet.
Si donc vraiment l’atome est de solide fait