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Stupide libertin, l’homme qui fait sa proie
D’un amour ingénu qu’il se rit d’offenser !
Les beaux corps sont pour lui des pourvoyeurs de joie,
Sans que jamais sentir le convie à penser.

La pudeur n’est pour lui qu’une ardente ceinture
Que le caprice attache et saura dénouer,
Car il ne comprend pas que l’austère Nature
La donne pour combattre et non pas pour jouer.

Ah ! s’il est quelque part des flammes éternelles,
Que ce brutal y tombe et s’instruise à pleurer !
Nous levons sur le beau de plus tendres prunelles,
L’art pensif a des yeux qui savent admirer !


II

Mais l’admiration n’est pas l’amour encore ;
L’homme tend vers le beau ses bras pour le saisir,
L’homme veut quelque prise à tout ce qu’il adore.
Et son avide main suit partout son désir.