Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Qui leur tendaient la main comme à des dieux amis.
A la terre nouvelle, apôtres d’infamie,
Ils ont communiqué le ferment des méchants,
Et l’on vit se ruer sur la vierge endormie
Les soudards du vieux monde et ses roués marchands.
Ah ! depuis trois cents ans ils l’ont bien réveillée !
Quel bruit de pas humains ! quelle ardeur ! quels travaux !
Sur la Cybèle jeune et de fleurs habillée
Qu’ils ont passé de fois leurs ignobles niveaux !
A quoi bon, tristes gens, vos ports et vos boutiques,
Si vous traînez au flanc le principe du mal,
Et si le vieux démon des fureurs politiques
Vous emporte avec nous dans son cercle fatal ?
Ce cercle est tout tracé par notre antique histoire :
A ton tour, peuple fier, tu salûras César,
A ton tour tu verras au seuil de ton prétoire
La tache de ton sang, la marque de son char :
Tu verras quelque fils des empereurs du Tibre
Porter un monde au bout de son sceptre insolent,
Pareil au bateleur qui tient en équilibre
Sur la pointe d’un glaive un disque chancelant !
Tu connaîtras aussi les gloires, les conquêtes,
Et les sanglots perdus dans le bruit des tambours,
Le triomphe et le deuil, la panique et les fêtes,