Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Les parcelles de l’air, les atomes des ondes,
Divisés par les vents se joignent sur mes pas ;
Par mes enchantements comme assoupis, les mondes
Se cherchent en silence et ne se heurtent pas.

Les cèdres, les lions me sentent, et les pierres
Trouvent, quand je les frappe, un éclair dans leur nuit ;
Ardente et suspendue à mes longues paupières,
La vie universelle en palpitant me suit.

J’anime et j’embellis les hommes et les choses ;
Au front des Adonis j’attire leur beau sang,
Et du sang répandu je fais le teint des roses ;
J’ai le moule accompli de la grâce en mon flanc.

Moi, la grande impudique et la grande infidèle,
Toute en chaque baiser que je donne en passant,
De tout objet qui touche apportant le modèle,
J’apporte le bonheur à tout être qui sent.