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ÉPAVES



Hier vous l’avez dit, pères et capitaines,
Aux enfants emportés vers les plages lointaines
Pour venger l’Occident d’un affront criminel.
« Français, chantait en mer l’âme errante d’Athènes,
Ennoblir la Patrie est l’œuvre essentiel !
Tous les drapeaux encore ensanglantent leur soie,
Hélas ! mais des couleurs que le vôtre déploie
La plus proche du cœur est la couleur du ciel ! »

S’il répugne aux canons de rêver, bouches closes,
Leur grondement s’éloigne et prolonge ses pauses :
Au chant d’un autre Orphée ils se tairont plus tard ;
La lyre aura servi la plus sainte des causes !
Mais, pour durer, la France a besoin de rempart ;
On n’improvise pas la paix universelle :
Il faut bien que nos fils sachent vivre sans elle
Et mourir en baisant le bleu de l’étendard !

L’azur ne serait pas une si chère amorce,
Si l’éclat de la face et la fierté du torse
Dans l’homme ne couvraient qu’un vœu de carnassier !
Ah ! qu’il ne vende pas sa couronne à la force !