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HONNEUR ET PATRIE


Il unit la terrestre à la céleste échelle ;
Or cette ascension laborieuse est celle
Dont vous portez l’insigne étoilé sur le cœur !

Ainsi l’artiste rêve une beauté cousine
De la beauté des yeux, mais calme, et que devine
Son regard voilé d’ombre où flottent des réveils ;
Sa main cherche le dieu dont son âme est voisine.
L’horizon du savant et le sien sont pareils :
Une pomme qui tombe, un caillou qui s’irise,
Provoquent le génie, et la terre surprise
Se sent tous les espoirs, sœur de tous les soleils !

Les aïeux ont livré maints combats, dont la somme,
Dignité de l’espèce, est un legs dans chaque homme :
Héritier du triomphe il en répond aux morts,
Et ce dépôt sacré c’est l’Honneur qu’on le nomme !
Mais les vaincus souvent l’arrachent aux plus forts :
La noblesse du but pour l’Honneur seule compte,
Seule la volonté fait la gloire ou la honte,
Et le vainqueur n’est grand qu’à l’abri du remords.