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ÉPAVES



Je gravis alors la montagne
Pour l’étouffer dans le grand vent.
Jusqu’au sommet il m’accompagne :
Il y devient gémissement.

Je demande à la mer sonore
De le changer en bruit de flot.
Plus plaintif et plus tendre encore,
Hélas ! il y devient sanglot…

Je tente, comme un dernier charme,
Le silence enchanté des bois ;
Mais je le sens qui devient larme
Dès qu’il a cessé d’être voix.

Ce qui pleure ou ne se peut taire,
Est-ce en moi le remords ? Oh ! non :
C’est un souvenir solitaire
Au plus lointain de l’âme… un nom.