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SUR UNE PENSÉE DE PASCAL



C’est qu’il est deux foyers pour éclairer notre âme :
L’esprit perce la brume avec son rare éclair,
Mais le cœur la dissipe avec sa chaude flamme
Comme un ardent midi fait transparent tout l’air.

L’esprit n’est qu’un rayon qui rôde, effleure et passe,
Il ne peut à la fois illuminer qu’un point ;
Le cœur est un été dilaté dans l’espace,
Et comme il remplit tout il ne s’égare point.

L’esprit à des leçons se doit longtemps soumettre,
Hasardeux instrument, peu sûr de sa rigueur ;
Le cœur est à la fois le disciple et le maître :
L’homme n’apprend l’amour que de son propre cœur.

L’esprit se voit borné, l’infini l’humilie,
Et ses froids souvenirs s’effacent tour à tour ;
Ah ! marqué par le feu, jamais le cœur n’oublie,
Il ne sent ni déclin ni limite à l’amour.