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SOLITAIRE



Il me faut la lumière éclatante et sans borne !
Le peu que j’ai tâté du dessous des couleurs,
Redoutable en dépit du beau voile qui l’orne,
Est dur, sourd à mes cris, et ne voit pas mes pleurs.

Sans un Dieu pas d’amour : les cités sont des pierres,
La terre est un cadavre et l’azur un linceul ;
Devant les astres d’or je baisse les paupières,
Ils n’ont pas de regard. J’erre affreusement seul.

Sans un père céleste, évidente chimère,
Que dispute mon cœur à ma raison sans foi,
Ô mes meilleurs amis ! ô ma sœur ! ô ma mère !
Je suis seul avec vous et n’attends rien de moi.


1862.