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ÉPAVES





Sa foi mâle a sauvé les penseurs du naufrage ;
Jouet d’une tourmente aux confuses clameurs,
Sans gouvernail, en proie au ténébreux orage,
Leur galère sombrait, veuve de ses rameurs.

L’équipage anxieux flottait sur des épaves ;
Quel salut espérer de l’abîme inclément ?
Or voici qu’un jeune homme, étonnant les plus braves,
Nu, dans le gouffre noir plonge résolument.

Il remonte. La mer l’assaille et le menace ;
Elle soulève et tord sur lui son vert linceul,
Il la domine, il nage, et son regard tenace
Couve le port lointain qu’il a découvert seul.