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voir ; les meilleures choses ont leurs inconvénients.

De ceci il ne faudrait pas conclure que M. de Morville fût sans courage. Il avait trop d’honneur, trop de loyauté, pour n’être pas très brave, ses épreuves étaient faites : mais, sauf les griefs qu’un homme ne pardonne jamais, il se montrait d’une clémence tellement inépuisable que, s’il n’eût pas douloureusement ressenti certains torts, cette clémence eût passé pour de l’indifférence ou du dédain.

Ce crayon du caractère de M. de Morville était nécessaire pour l’intelligence de la scène qui va suivre.

Nous l’avons dit, une fois entré dans le salon qui précédait la loge, M. de Morville s’était démasqué ; il attendait avec peut-être plus d’inquiétude que de plaisir l’issue de cette mystérieuse entrevue.

La femme qu’il avait accompagnée était masquée avec un soin extrême ; son capuchon rabattu empêchait absolument de voir ses cheveux, son domino très ample déguisait sa taille ; des gants, des souliers très larges empêchaient enfin de reconnaître les mains et les pieds, indices si certains, si révélateurs.

Cette femme semblait émue ; plusieurs fois elle voulut parler, les mots expirèrent sur ses lèvres.

M. de Morville rompit le premier le silence, et lui dit :

— J’ai reçu, madame, la lettre que vous avez bien voulu m’écrire, en me priant de me rendre