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ment devenait moins utile à Mme de Montbar, du moment où elle trouvait quelque distraction au milieu des enivrements du monde. J’aurais préféré la trouver triste, abattue, comme par le passé, afin de pouvoir un jour peut-être la tirer de cette tristesse, de cet isolement, en lui rendant les affections qu’elle devait regretter amèrement.

Ces réticences, ces jalousies, ces calculs dans le dévoûment, sont puériles, quelquefois indignes ; mais hélas ! c’est l’histoire de mon cœur qu’à cette heure je me raconte avec sévérité.

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Une autre raison m’engageait aussi à me rendre au thé de Mlle Juliette malgré ma répugnance. — Il est très-possible, — m’avait dit encore le docteur Clément, — que le comte Duriveau, pour servir ses projets, ait parmi les gens de la princesse une créature à lui. Je ne savais encore jusqu’à quel point cette crainte pouvait être fondée, n’ayant vu mes nouveaux camarades que le matin au déjeûner et le soir au dîner, repas assez court et dont ma présence à moi nouveau venu, avait nécessairement dû bannir la confiance et la liberté habituelles, je n’avais pu rien observer. La réunion du soir, plus animée, plus intime, allait peut-être faciliter mes remarques ; d’ailleurs, à la première vue, mes compagnons de domesticité semblaient braver le soupçon : Mlle Juliette et une autre femme de la princesse chargée de la lingerie, toutes deux assez jeunes et dont l’une : Mlle Juliette, était fort laide, paraissaient d’honnêtes et inoffensives créatures ; le valet de chambre du prince, vieux serviteur qui l’avait vu naître, me paraissait ne devoir pas exciter la moindre défiance, et le maître-d’hôtel, homme grave, minutieux,