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courageusement ; comparant enfin ma position présente, si pénible qu’elle fût, à mes misères passées, alors que, las de souffrir de la faim et du froid, j’avais attendu, espéré, la mort au fond de la cave où je m’étais enseveli vivant, il me sembla entendre la voix amie et austère de Claude Gérard me reprocher mon indigne faiblesse, comme un outrage aux jours meilleurs qu’un sort providentiel m’avait récemment assurés.

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La cloche du déjeuner sonna, et me réunit à mes nouveaux camarades ; le maître d’hôtel, le cuisinier, le valet de chambre du prince et les deux femmes de la princesse, les gens de livrée et d’écurie prenaient leurs repas chez le portier de l’hôtel. Je fus cordialement accueilli par mes compagnons de service ; Mlle Juliette, première femme de chambre de la princesse, proposa même de donner le soir chez elle un thé pour fêter ma bienvenue ; il me fut facile de voir à la réserve ou à l’insignifiance des propos tenus à l’office pendant ce premier repas, que l’on n’était pas encore en confiance avec moi. Je crus utile et prudent de faire acte de bon compagnonnage, en offrant à mes convives de me charger des commissions qu’ils pourraient avoir en allant remplir les ordres de la princesse. Mlle Juliette, la femme de chambre, accepta et me pria, puisque j’allais porter une lettre chez Mme Wilson, l’amie intime de Madame, d’inviter Mlle Isabeau à venir le soir même prendre le thé avec nous, si elle était libre.

Je me rendis d’abord chez Mme Wilson ; elle occupait une très-élégante maison de la rue de Londres,