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— Il a été blessé dans ce qu’il y a de plus douloureux chez un homme de sa trempe… dans son orgueil… Il avait demandé la main de Mlle de Noirlieu…

Je tressaillis ; le nom du comte Duriveau me vint aux lèvres ; le vieillard reprit sans remarquer mon émotion :

— Deux fois cet homme a été dédaigneusement refusé par Mlle de Noirlieu, refus d’autant plus sanglant pour lui, qu’il était durement motivé par cette fière et courageuse jeune fille. De là, la haine implacable de ce misérable… Il y a peu de jours, j’ai appris… de science certaine… trop certaine… que, lors du mariage de Mlle de Noirlieu avec le prince, l’homme dont je te parle a dit : — Mlle de Noirlieu m’a insolemment dédaigné… je me vengerai d’elle à tout prix… — et il est malheureusement probable que l’heure de sa vengeance approche ; car il a dit récemment : Ma vengeance marche !… Cet homme se nomme le comte Duriveau…

— Je n’oublierai pas ce nom, Monsieur.

— Prends garde !… Pour parvenir à ses fins, il est capable de tout… les moyens les plus bas, les plus ténébreux, les plus diaboliques, ceux-là surtout : soudoyer des domestiques, introduire peut-être dans la maison de la princesse une créature à lui… attirer cette malheureuse femme dans quelque piège horrible… que sais-je ? Imagine ce que l’âme la plus noire, la plus impitoyable, et, il faut le dire aussi, la plus intrépidement mauvaise, peut tramer de plus abominable, et tu seras encore au-dessous de la réalité.

— Mais c’est un monstre ! — m’écriai-je.