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utile, — l’argent qui le met au-dessus du besoin et de la dépendance : un père ne doit à son fils rien de plus, rien de moins. »

— Allons donc, Monsieur le docteur, — s’écria M. Dufour, — ce sont là de ces moralités, d’ailleurs excellentes en soi, que tous les pères fortunés disent et doivent dire à leurs enfants, pour les détourner de l’oisiveté, mais au fond les parents s’enorgueillissent de laisser à leurs enfants une grande opulence… qui leur permette de vivre sans rien faire et d’avoir l’existence la plus heureuse du monde.

— Ainsi, Monsieur, — dit le docteur en souriant, — il y a dans ce fait : de rendre nos enfants maîtres d’une grande fortune qu’ils n’ont pas acquise par leur travail, quelque chose de si révoltant que les pères les plus infatués de l’opulence… sont forcés de dire, au moins par pudeur à leurs enfants, ce que j’ai dit à mon fils… par devoir et par conviction : — Travaillez, et ne comptez pas sur mon riche héritage.

— Mais enfin, cette fortune immense que vous possédez, — s’écria M. Dufour, — qu’en ferez-vous donc, si vous en déshéritez votre fils ?

— Eh ! eh ! Monsieur, écoutez donc… chacun a ses petites fantaisies… dit mon maître, avec un accent railleur…

— Ainsi, Monsieur, vous l’avouez, — s’écria involontairement M. Dufour, exaspéré, — vous avez des vices cachés.

Le docteur Clément riait rarement ; mais, à cette étrange accusation, il partit d’un éclat de rire si franc, que j’entendis M. Dufour bondir sur sa chaise.