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— Votre fils, Monsieur le docteur, ignore ma démarche et ma fille l’ignore aussi. M. le capitaine Just a été appelé à vingt lieues d’Évreux pour d’autres travaux ; nous nous sommes fait des adieux pleins de cordialité… mais pas un mot de mariage n’a été échangé entre nous. C’est après le départ de M. votre fils que, voyant ma fille toute pensive, assez triste, je me suis rappelé certaines circonstances, et j’ai supposé… ou plutôt deviné, qu’il y avait de l’amour sous jeu. Or, comme ce mariage réunirait toutes les convenances de position, d’âge, de caractère et de fortune… de fortune surtout…

— De fortune… surtout ? — dit mon maître en interrompant M. Dufour, — vous croyez ?

— Parbleu ! Monsieur le docteur, vous sentez bien que, si Monsieur votre fils, malgré toutes ses qualités, ses talents charmants et sa jolie figure, n’avait que la cape et l’épée… je ne viendrais pas…

— Monsieur, — dit mon maître en interrompant encore M. Dufour — avant de poursuivre cet entretien, je dois vous prévenir qu’après moi je laisse à mon fils, pour tout héritage, mille écus de rentes

— Mille écus de rentes ! — s’écria M. Dufour.

— Mais s’il se marie, — reprit le docteur, — je lui donnerai en dot ces mille écus de rentes… c’est tout ce qu’il aura à attendre de moi, soit de mon vivant, soit après ma mort.

— C’est une plaisanterie, Monsieur le docteur ; vous gagnez au su de tout le monde plus de cent mille francs par an depuis vingt ans, et vous vivez… on me l’avait bien dit… vous vivez avec la plus… avec la