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était le médecin, me parut légitime, mais cette juste prétention aurait pu être posée avec moins d’âpreté ; j’éprouvais aussi un triste ressentiment en me rappelant la prédiction du docteur Clément à propos de sa mort, selon lui assez prochaine, et qu’il prévoyait sans doute, grâce à l’espèce d’intuition que donne souvent la science.

Ce détachement de la vie que le docteur savait, disait-il, devoir quitter à heure fixe, me semblait extraordinaire. Alors me revinrent à la pensée les bruits singuliers qui, dans les salles de l’Hôtel-Dieu, couraient sur ce célèbre médecin ; on disait sa vie intime des plus mystérieuses, et on la supposait des plus étranges. Riche à millions, car sa clientèle était aussi énorme que la cupidité qu’il affichait, il vivait, disait-on, avec la plus sordide avarice ; veuf depuis longues années, son fils unique, sorti l’un des premiers de l’École polytechnique et alors ingénieur, devait seul hériter de cette fortune immense, car depuis vingt ans peut-être le docteur Clément gagnait plus de cent mille francs par an, et il ne devait pas, assurait-on, en dépenser plus de dix mille.

Enfin, les histoires les plus incroyables, pour ne pas dire les plus absurdes, circulaient à propos de la maison qu’il habitait, située dans l’une des rues désertes du Marais ; personne n’y pénétrait ; il donnait ses consultations dans une chambre d’une maison voisine de la sienne.

Le cynique aveu du docteur ne pouvait me laisser aucun doute sur son âpreté au gain, âpreté d’autant moins concevable qu’on le disait puissamment riche, et qu’il savait ses jours comptés. Cependant, le généreux