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Quant à moi… dès que Bamboche eut pénétré dans la coulisse sur les pas de Basquine, une pensée prompte comme l’éclair me souleva pour ainsi dire de ma place, me fit traverser en un clin-d’œil, et je ne sais comment, les rangs pressés des spectateurs dont j’étais entouré ; puis, sortant du théâtre je fus en quelques bonds à la porte des acteurs, s’ouvrant sur le passage où j’avais été le matin louer la loge ; à l’instant où j’arrivais là, palpitant, je fus violemment heurté par deux personnes qui, s’élançant de l’intérieur, s’enfuyaient. C’était Bamboche et Basquine, enveloppée d’un manteau ; elle se soutenait à peine…

Sentant le danger, l’inopportunité d’une reconnaissance en pareille situation, et apercevant la voiture de mes maîtres, à deux pas de moi, je dis à Bamboche, en lui prenant le bras.

— Voilà une voiture… montez vite.

Et en une seconde j’eus ouvert la portière aux deux fugitifs. Ce secours inespéré venait si à propos, que Bamboche, sans chercher à savoir comment cette voiture se trouvait là si à point, y jeta, pour ainsi dire, Basquine, s’y élança après elle, en me disant :

— Vous serez bien payé… Allons où vous voudrez, mais grand train !

— Barrière de l’Étoile, et très-vite, — dis-je au cocher, éveillé en sursaut sur son siège.

Et je m’élançai derrière la voiture.

Nous nous éloignâmes rapidement ; mais je pus voir une grande foule s’ameuter tout-à-coup autour du théâtre, tandis que brillaient au loin les fusils des soldats que l’on venait sans doute de chercher au poste voisin.