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d’hilarité ; le ridicule atroce de la chute de Basquine prêtait d’autant plus à rire aux spectateurs, que la pauvre fille représentait un personnage menaçant et terrible… La malheureuse créature, se relevant livide, jeta sur la loge du vicomte Scipion un regard effrayant de désespoir et de haine… puis elle voulut fuir la scène ; mais, dans son trouble, elle se trompa deux fois de coulisse. Alors, les huées, les sifflets, les éclats de rire redoublèrent jusqu’à ce qu’elle pût enfin trouver une issue, où elle disparut, éperdue.

À ce moment, de nouveaux faits portèrent le tumulte à son comble.

Porteur d’un sac d’oranges galamment achetées pour sa compagne, Bamboche rentrait dans sa loge alors que se passait l’incident des pois fulminants et de la chute de Basquine, incident dont les péripéties, malgré leur gravité, furent rapides comme la pensée… Reconnaître notre compagne d’enfance… s’écrier d’une voix de stentor : — Basquine, me voilà !… sauter sur le théâtre… courir à la loge du vicomte, souffleter, pour ainsi dire, d’un seul revers, Scipion, son père, le gouverneur, à l’instant où disparaissait Basquine, enfoncer d’un coup de pied le châssis d’une des coulisses, et pénétrer ainsi derrière le théâtre pour y rejoindre la pauvre figurante, tout cela fut pour Bamboche l’affaire d’une minute.

La stupeur causée par l’incroyable audace de cet homme tint pendant quelques secondes les spectateurs muets, immobiles ; ils en étaient encore à se demander s’ils devaient en croire leurs yeux, que déjà Bamboche avait disparu, mais bientôt le tumulte, un moment suspendu, devint effroyable.