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saient à leur insu. Car, pendant que mon voisin de droite écoutait Basquine avec un muet ravissement, mon voisin de gauche, s’adressant à moi :

— Je vous l’avais bien dit… l’entendez-vous, cette Basquine… comme elle vous serre le cœur, comme elle vous attriste… Ne dirait-on pas qu’on a peur d’elle, qu’on la déteste ?… et c’est ma foi vrai… je la déteste. A-t-elle l’air méchant ! pour un rien je la sifflerais. Parlez-moi de Clorinda… à la bonne heure ! elle ne vous attriste pas… cette grosse réjouie…

Je ne sais ce que j’aurais répondu à mon voisin, sans l’incident dont j’ai parlé et qu’il me faut expliquer.

Basquine était, je crois, à la moitié de son air ; elle le chantait avec une énergie, une puissance croissante, lorsque un événement inattendu l’interrompit tout-à-coup.

Le vicomte Scipion avait trouvé plaisant de jeter sournoisement sur la scène une poignée de pois fulminants, sans doute achetés d’avance pour cette espièglerie… déjà plus d’une fois essayée, disait-on, sur ce petit théâtre.

Basquine, au milieu du morceau qu’elle chantait, posa par hasard le pied sur plusieurs de ces pois ; leur explosion lui causa une frayeur si vive, qu’elle sauta en arrière ; mais son pied s’embarrassant dans une partie du décor, presque à fleur de terre, qui cachait la trappe d’où elle était sortie, Basquine trébucha… et tomba, mais tomba d’une manière si déplorablement ridicule… que des éclats de rires inextinguibles, accompagnés d’une bordée de sifflets aigus, partirent d’abord de l’avant-scène du vicomte, et eurent pour écho une explosion générale