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la réalité par la voix de Basquine dès qu’elle entrerait en scène.

Un nouvel incident vint m’arracher à mes réflexions.

En face de la loge du comte Duriveau, une loge était restée vide ; deux hommes mal vêtus venaient de s’y installer, en enjambant la séparation de la galerie où ils avaient d’abord pris place ; les locataires de la loge arrivant et la trouvant occupée, il s’en suivit une bruyante altercation, la représentation fut un moment suspendue.

Les deux intrus, dont l’un était de petite taille, gesticulaient dans l’intérieur de la loge et semblaient vouloir défendre le terrain pied à pied ; soudain on vit deux grands bras saisir le plus petit des récalcitrants, le soulever, le passer par-dessus la séparation de la galerie et le laisser retomber à la place qu’il avait quittée pour s’introduire dans l’avant-scène.

Cette preuve de vigueur et de sang-froid comique causa un enthousiasme général ; le paradis, le parterre éclatèrent en bravos, et une foule de voix s’écrièrent :

— L’auteur ! l’auteur ! — Car l’homme aux deux grands bras, jusqu’alors presque inaperçu, s’était retourné vers le fond de la loge, afin, sans doute, d’en exclure l’autre intrus de la même façon ; mais celui-ci, ainsi que son compagnon, transbordé dans la galerie, disparurent presque aussitôt pour échapper aux huées de la salle.

Cette exécution ne suffit pas ; la curiosité générale était trop vivement excitée ; on voulait, à toute force, contempler l’auteur de cette vigoureuse plaisanterie, et le parterre, le paradis, la galerie reprirent avec un formidable ensemble :