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— Elle est à moi !!!

— Elle est à nous… victoire !… s’écria le poète.

Et lorsque la porte de l’appartement fut refermée sur nous, Balthazar se livra aux plus folles démonstrations de joie. Robert de Mareuil, qui aurait dû au moins sentir tout ce qu’il y avait de grave même dans son triomphe, partagea néanmoins les joyeuses excentricités du poète, excusables chez celui-ci, mais révoltantes chez Robert… et sans songer sans doute à ma présence, les deux amis se prirent par la main et commencèrent à bondir, à sauter, à danser de joie, en s’écriant :

— Victoire !… vive Régina !

Cette première effervescence passée, le poète s’écria :

— Robert, soyons reconnaissants envers la Providence… célébrons dignement ce beau jour… Il y a des semaines que je vis de l’exécrable cuisine du gargotier de la rue Saint-Nicolas… Offre-moi ce soir à dîner au Rocher de Cancale.

— Adopté !…

— Et après, nous irons au spectacle… Je n’ai pas besoin de te dire où je grille d’aller… aux Funambules !! pour y voir enfin ce diamant caché ! cette merveille ignorée ! cette Basquine dont m’a parlé Duparc !

— Adopté… les Funambules, — dit Robert, — ça sera doublement gai, car ce petit théâtre est aussi le rendez-vous de tous les viveurs quelque peu atteints d’ébriété.

— Martin va aller avec la voiture commander pour six heures un dîner à cinquante francs par tête… sans le vin… et louer une avant-scène ou une loge aux Funambules, s’il y en a, — dit Balthazar.