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Je me disais cela sans orgueil, je me reconnaissais des sentiments de droiture, d’honneur, de délicatesse auxquels Robert de Mareuil était toujours demeuré étranger, si j’en jugeais du moins par ce que je savais de sa conduite. J’avais enduré des souffrances, résisté à des épreuves dont la seule pensée eût épouvanté Robert de Mareuil ; certes, dans une position aussi désespérée que la mienne l’avait été souvent, ou il se fût tué, ou fût devenu criminel.

Cette supériorité de moi sur lui bien constatée par une comparaison réfléchie, mon état de servitude ne m’humilia plus : je ne pourrais mieux exprimer ce que je ressentais, qu’en me comparant à un homme de cœur, doué d’une grande force physique et d’un grand courage, qui, pour accomplir un devoir sacré, supporterait les mépris ou les menaces d’un pauvre être, lâche et frêle, qu’il briserait d’un souffle.

En un mot, nos rôles me semblaient complètement intervertis ; je regardais ma subalternité envers Robert de Mareuil comme une singularité, j’acceptais ma position comme une position bizarre, mystérieuse, qui non-seulement pouvait me mettre à même d’accomplir une action généreuse, mais qui offrait une ample matière à mes observations et à ma curiosité.

Confondu au milieu d’un grand nombre de domestiques, à la porte du Musée, je regardais, j’écoutais attentivement ; je devais déjà à mon état de domesticité des renseignements trop précieux pour ne pas trop désespérer d’en acquérir encore.

En me mêlant çà et là aux groupes de domestiques, je remarquai qu’à l’exemple de leurs maîtres ils se