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— Eh bien !… à part même l’espèce d’humiliation qu’il y a à avoir une place, c’est-à-dire à être aux ordres de quelqu’un, que diable veux-tu que je fasse de douze ou quinze mille francs par an… moi qui ai pris l’habitude d’une existence de cent mille livres de rentes, au moins !… Ce que je le dis là, te paraît peut-être absurde, c’est pourtant la vérité.

— Je te crois, Robert ; que diable ferais-tu de dix ou douze mille francs par an ? Sérieusement, très-sérieusement, je te regarde comme incapable de pouvoir vivre à moins de soixante mille livres de rentes au minimum, et encore en te gênant beaucoup, en étant très-serré ; tu m’as prouvé cela une fois très-mathématiquement, je me souviendrai toujours de ton budget raisonné. Laisse-moi te le rappeler, et pour cause.

» 1o — Me disais-tu, — on ne peut pas aller à pied ; mettons huit à dix mille francs pour mon écurie ; — 2o les femmes du monde obligeant à des soins assommants, il faut chercher une maîtresse ailleurs, et le moins que l’on puisse donner à une fille un peu à la mode, c’est quinze cents francs par mois sans les cadeaux ; — 3o on ne peut pas dîner au cabaret à moins d’une carte de trente à quarante francs, si l’on veut être quelque peu considéré et choyé par les garçons ; il faut compter aussi quarante à cinquante francs par jour pour une loge d’avant-scène à envoyer à sa maîtresse, ce qui, avec le bouquet quotidien obligé, et le dîner au cabaret, monte à environ cent francs par jour. — Ajoute à cela — le loyer d’un appartement confortable, — l’entretien, — l’imprévu, — les soupers, — les cadeaux à ma maîtresse, — les infidé-