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De plus en plus surpris de ce que je voyais et de ce que j’entendais, j’examinai cette étrange boutique avec une curiosité croissante. Au lieu d’être riante et gaie, comme le sont habituellement les magasins de ce genre, avec leurs poupées fraîchement vêtues de satin et de paillettes, avec leurs petits ménages étincelants comme de l’argent, ou leurs chevaux enharnachés d’écarlate et d’oripeaux, cette boutique était d’un aspect sombre et nu, à l’exception de quelques vieux joujoux, fanés, décolorés et poudreux, étalés pour la montre, je ne vis, dans l’intérieur de ce magasin, aucun autre jouet d’enfant ; elle était garnie, du haut en bas, de grands casiers bruns remplis de poussière.

J’en étais là de mes observations, presque caché dans l’ombre du fond de la boutique, car la nuit s’approchait, lorsque je vis entrer un homme de haute taille, portant de longues moustaches grises sur sa figure bistrée, un col noir, une grande redingote bleue, militairement boutonnée jusqu’au menton, une grosse canne plombée, et un vieux feutre sur l’oreille.

Je ne me trompais pas… c’était le cul-de-jatte. Ses épaisses moustaches, sa tournure militaire, m’avaient tout d’abord empêché de le reconnaître. De crainte d’être aperçu de lui, je me rejetai dans l’angle le plus obscur du magasin.

À la vue du bandit, la vieille femme parut sortir tout-à-coup de son apathie. Elle se leva à demi, et s’écria vivement :

— Eh bien ?…

— Ça se gâte, — dit le cul-de-jatte à voix basse. — Il paraît que c’était un loup sous une peau de mouton.