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Balthazar, avec une confiance digne de l’âge d’or, et aussi motivée peut-être par l’absence de tout objet digne d’être convoité par les voleurs, Balthazar laissait toujours la clé sur sa porte. J’entrai donc dans la petite pièce qui précédait la chambre à coucher du poète, et j’entendis celui-ci s’écrier avec ces exclamations admiratives et exagérées qui lui étaient habituelles :

— On dit qu’elle est magnifique… étourdissante… renversante… J’adore d’avance cette créature… je l’idolâtrerais, rien que pour son nom… ce nom est tout un poème !!

J’entrai dans la chambre au risque d’interrompre le monologue du poète, mais ma présence ne calma pas son exaltation.

— Oui, ce nom est un poème… tout un poème… — s’écriait Balthazar en marchant à grands pas — c’est plus qu’un poème, c’est un caractère… c’est un portrait… Duparc l’a vue aux Funambules dans un bout de rôle, il dit que c’est un diamant caché qui ne peut tarder à étinceler de tout son éclat !

— Eh bien… le baron ? — me dit vivement Robert de Mareuil qui, préoccupé de pensées graves, semblait impatienté des folles exclamations de son ami.

— Avant de répondre, — s’écria Balthazar, — écoute-moi, je t’en fais juge, anti-Frontin, je veux faire une expérience sur ton intelligence si honorablement bornée.

— Trêve de folies ! laisse-le d’abord me rendre compte de sa commission, — dit vivement Robert — c’est très-important.

— Je te rends Martin dans une seconde, prête-le moi un instant, — dit Balthazar, et s’adressant à moi : —