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— Monsieur, où ça se vend-il ?… — demandai-je au poète — et puis je n’ai pas d’argent…

— Un instant ! — s’écria Balthazar, comme s’il eût été frappé d’une réflexion subite.

— Quel jour est-ce après-demain ?…

— Nous sommes aujourd’hui mardi — lui dis-je naïvement — c’est après-demain jeudi !

— Jeudi !!! la veille d’un vendredi ! — s’écria le poète avec une explosion d’épouvante et d’indignation, — poser la première pierre de mon palais la veille d’un vendredi… c’est donc pour qu’il s’écroule sur ma tête… Fatalité… quel augure !… quel triste pronostic !…

Et il ajouta lentement, et d’un ton pénétré :

— Non, Martin, non, ne rapporte ni truelle ni augette… mon garçon, à moins que tu ne tiennes à voir ton pauvre maître enseveli un jour sous les décombres de son palais.

— Oh ! Monsieur…

— J’étais sûr de ton cœur… Va donc faire ta commission et reviens au plus vite…

— Je pars, Monsieur, — lui dis-je en me dirigeant vers la porte.

Et au moment où je la fermais, j’entendis la voix du poète répéter :

— La veille d’un vendredi… Jamais ! je suis sur ces choses-là aussi superstitieux que Napoléon !!!

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