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— Pour moi !… non, pardieu ! ils combattent pour butiner à la tête de leurs compagnies mercenaires, ou pour recouvrer leurs seigneuries, tombées au pouvoir des Anglais… Ils s’intéressent à ma gloire un peu à ta façon, ma chère ; tu voudrais me voir couronné afin de poser triomphalement ton pied charmant sur cette antique couronne de France… et dominer… qui domine !

La belle Aloyse allait répondre aigrement à Charles VII, lorsque Georges de La Trémouille, après avoir frappé, entra chez le roi et lui dit :

— Sire, tout est préparé pour la réception de Jeanne.

— Allons la recevoir ! J’approuve fort ton idée de mettre cette inspirée à l’épreuve, afin de savoir si elle me reconnaîtra confondu parmi vous autres, tandis que de Trans jouera mon rôle…


Les hommes et les femmes de la cour de Charles VII, réunis dans une galerie du château de Chinon, agités de sentiments divers, attendent l’arrivée de Jeanne-la-Pucelle. Les uns, en très-petit nombre, la croient divinement inspirée ; mais, généralement, les autres voient en elle, soit une pauvre visionnaire, docile instrument dont les politiques pouvaient momentanément se servir, quitte à la briser ensuite, soit une aventurière effrontée, forte de son audace ou de la crédulité des sots. Mais tous, quel que soit leur jugement sur la mission que s’attribue la paysanne de Domrémy, dédaignent en elle une fille de la plèbe rustique ; ceux-là même qui ne doutent point de la réalité de ses révélations surnaturelles se demandent par quelle aberration le Seigneur Dieu a été choisir son élue dans une si basse condition !

À l’extrémité de la galerie, le sire de Trans, splendidement vêtu, trône sur un siége élevé placé sous un dais ; il simule le roi, tandis que Charles VII, placé non loin de là parmi ses familiers, rit sous cape de la plaisante épreuve où il va mettre la sagacité de