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réellement le charme magique au moyen duquel… ha ! ha ! ha !… je ne serai plus roi par la grâce de Dieu… mais par la grâce de…

— Charles, Charles… encore ces vilaines railleries !…

— La chaste Diane serait ta patronne, que tu ne te montrerais pas plus farouche, mon Aloyse !… Vraiment, je ne te reconnais pas aujourd’hui !…

— Et moi, Charles, je ne te reconnais que trop !… toujours indolent, toujours insoucieux de ton honneur ! Pourtant, combien de fois ne t’ai-je pas dit : « Courage ! mets-toi à la tête de ces soldats las de combattre pour un roi qui n’a jamais partagé leurs dangers ! Courage, Charles ! ranime la confiance de ton armée ?… Prends une résolution hardie, et… »

— Peste ! mon Amazone ! vous parlez à votre aise des périls de la guerre ! Je ne suis point un César, moi… tant s’en faut…

— Cœur sans vergogne !…

— Que veux-tu ?… je tiens à vivre pour t’aimer !…

— Tu me fais rougir de male-honte !…

— Bon ! je te connais, ma chère… avoue-le, tu rougis d’être la maîtresse du pauvre roi de Bourges, comme on m’appelle… régner sur un si piteux roi blesse ton orgueil ? tu voudrais régner sur le roi de la France entière ?

— Ai-je donc tort de désirer ta gloire ?

— Eh ! ma belle, redevenu roi de la France entière, trouverai-je le satin de ta peau plus blanc ? le vin meilleur ? la paresse plus douce ?

— Mais la gloire !… la gloire !…

— Vanité !… vanité !… Je n’ai jamais été jaloux que d’une gloire, celle du glorieux roi Salomon. Oh ! valeureux prince aux trois cents concubines ! je le confesse humblement, hélas ! je ne suis point de ton étoffe, amoureux potentat, je me borne à ambitionner la destinée du bon roi Jean, mon aïeul…

— Et il est des capitaines qui combattent pour toi !…