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ges !… Faire dépendre la couronne et le royaume de France de…

— Encore ? — fit Aloyse en interrompant Charles. — N’achève pas, je devine ta vilaine pensée…

— Et puis, enfin, de quoi diable s’avise cette fille de vouloir me rendre ma couronne ?…

— Quel insouciant !

— Au contraire… les soucis de la royauté me font penser ainsi.

— Pourtant, que les Anglais prennent Orléans, la clé de la Touraine et du Poitou… ces dernières provinces envahies, que te restera-t-il ?

— Toi, ma belle !…

— Est-ce là répondre, Charles ?

— Eh bien ! s’il faut l’avouer, j’ai souvent songé que mon aïeul, le bon roi Jean, ce joyeux compère, dut noter parmi les plus heureux jours de sa vie…

— Lequel ?

— Celui où il perdit la bataille de Poitiers…

— Qu’entends-je !… Quoi ! ce jour où ton aïeul, prisonnier des Anglais, fut emmené dans leur pays ? Tu envierais peut-être un pareil sort ?…

— Certes !…

— Charles, tu déraisonnes.

— Loin de là, je mériterais, ainsi que mon grand-père Charles V, le surnom de sage !

— Ou celui de fou… comme ton père !

— Peux-tu me reprocher ma folie, lorsque c’est toi qui la causes, mon Aloyse ? Mais revenons au bon roi Jean… Le voilà donc prisonnier, lors de la bataille de Poitiers ; on le conduit en Angleterre. Il y est reçu avec une courtoisie chevaleresque, avec une magnificence inouïe ; on lui donne pour prison un palais somptueux, pour pitance des repas exquis, pour geôliers les plus jolies filles d’Angleterre, pour préaux, forêts giboyeuses, vastes plaines, claires rivières ! Aussi,