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jour elle s’agenouillait pieusement devant les prêtres… leurs évêques l’ont brûlée vive. — La couardise de la chevalerie avait donné la Gaule aux Anglais… le génie militaire de la Pucelle, son patriotisme, triomphent enfin de l’étranger ;… elle est poursuivie, trahie, livrée par la haineuse envie des chevaliers. — Pauvre plébéienne ! l’implacable jalousie des capitaines et des courtisans, l’ingratitude royale, la férocité cléricale, ont fait ton martyre ! — Sois bénie à travers les âges, Ô vierge guerrière ! sainte fille de la mère-patrie ! — Écoutez, fils de Joel, écoutez cette légende, et jugez à l’œuvre : gens de cour, gens de guerre, gens d’église et royauté !




Domrémy est un village des frontières de la Lorraine, sis au versant d’une vallée fertile ; la Meuse arrose ses pâturages. Un vieux bois de chênes, où existent encore quelques souvenirs de la tradition druidique, avoisine l’église ; cette église est la plus belle de toutes les paroisses de la vallée, qui commence à Vaucouleurs et finit à Domrémy. Sainte Catherine et sainte Marguerite, superbement peintes et dorées, ornent le sanctuaire ; saint Michel archange, tenant son épée d’une main et de l’autre ses balances, resplendit au fond d’une chapelle obscure. Heureuse est la vallée qui commence à Vaucouleurs et finit à Domrémy ! Seigneurie royale, perdue aux confins des Gaules, elle n’a pas souffert jusqu’alors des désastres de la guerre, dont le centre du pays, depuis un demi-siècle et plus, est si grandement désolé ; ses habitants se sont affranchis du servage, profitant des troubles civils et de l’éloignement de leur royal suzerain, séparé d’eux par la Champagne, tombée au pouvoir des Anglais.

Jacques Darc, d’une famille longtemps serve de l’abbaye de Saint-Rémy, puis du sire de Joinville avant que le fief de Vaucouleurs fût réuni au domaine du roi, Jacques Darc, honnête laboureur, père de famille sévère, un peu rude homme, vivait de la culture de ses champs. Sa femme s’appelait Ysabelle Romée, son fils aîné, Pierre ;