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bûcher, supportaient de larges panneaux de bois oblongs, en manière d’enseignes ; on y lisait en grosses lettres blanches peintes sur un fond noir : 


— Jeanne, qui s’est fait nommer la Pucelle.

— Menteresse. — Pernicieuse. — Abuseresse du peuple.

— Devineresse. — Superstitieuse. — Blasphématresse du peuple.

— Présomptueuse. — Malcréante en la foi de Jésus-Christ.

— Idolâtre. — Cruelle. — Dissolue.

— Invocateresse de diables.

— Apostate. — Schismatique. — Relapse[1].

Tel est, fils de Joel, le jugement de ces gens d’Église sur Jeanne Darc… Ce bûcher l’attend…

Hélas ! il y a quatorze siècles et plus, notre aïeule Geneviève a vu supplicier à Jérusalem le jeune et doux maître de Nazareth !

J’aurai vu supplicier la jeune et douce fille de Domrémy !

La croix de l’ami des pauvres et des affligés se dressait entre les gibets d’un voleur et d’un assassin !

La croix de la vierge libératrice des Gaules se dresse entre deux échafauds ; sur l’un vont siéger ses juges : l’évêque Pierre Cauchon et ses assesseurs ; sur l’autre échafaud vont siéger les complices, les instigateurs de ce meurtre : le cardinal de Winchester et les officiers anglais.

Vous le voyez, fils de Joel, rien n’aura manqué au calvaire de l’héroïne plébéienne… Comme son divin maître, elle doit mourir entourée de scélérats !… Et maintenant, assistez jusqu’à la fin à sa Passion !


Il est huit heures du matin, toutes les cloches des paroisses de Rouen sonnent un glas funèbre… Pauvre Jeanne, en son enfance,

  1. Clément de Franquenberg ; ap. Quicherat, vol. IV, p. 460.