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par dignité de soi, ne voulant pas s’exposer à réagir devant ces hommes, elle est décidée à garder le silence de la honte sur l’attentat de la nuit. Les juges se rangent, silencieux, autour de la captive, enchaînée sur sa couche.


thomas de courcelles, feignant la surprise. — Quoi ! Jeanne, vous voici en habits d’homme ? malgré votre serment, juré sur l’Évangile, de renoncer à jamais à ces vêtements idolâtres, à la manière des gentils ?

jeanne darc, d’une voix brève et se contenant à peine. — J’ai repris ces habits parce que… j’ai dû les reprendre.

nicolas de venderesse. — Mais votre serment ?

jeanne darc, indignée. — Mon serment !… et les vôtres ? A-t-on tenu les promesses que l’on m’a faites ? m’a-t-on permis d’entendre la messe ? m’a-t-on rendu à la liberté après mon abjuration ?

jacques camus. — La sentence ecclésiastique vous condamne à une prison perpétuelle.


jeanne darc. — J’aime mieux mourir que de rester dans cette prison ! (Elle tressaille d’horreur au souvenir de l’attentat nocturne.) Si l’on m’avait permis d’entendre la messe, si l’on m’eût laissée dans un lieu honnête, délivrée de mes fers et gardée par des femmes, je…


frère isambard de la pierre, l’interrompant. — Avez-vous entendu vos voix depuis votre condamnation ?

jeanne darc, amèrement. — Oh ! oui… je ne les ai que trop entendues !…

(Les prêtres se regardent et échangent un signe d’intelligence.)

guillaume haiton. — Que vous ont-elles dit, vos voix ?

jeanne darc, d’une voix ferme. — Elles m’ont dit que j’avais commis une lâcheté en consentant à renier la vérité dans l’espoir de sauver ma vie !

guillaume haiton, vivement. — Mais ces paroles…

jacques camus interrompt le prêtre d’un regard et dit froidement à Jeanne. — Avant votre abjuration, que vous ont dit vos voix ?