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parle bas à l’oreille du capitaine anglais, qui, d’abord surpris, répond par un geste d’adhésion. Le prélat ajoute à demi-voix : — Soyez certain de ce que je vous promets ; et maintenant, faites garder la porte du cimetière, afin que la foule n’y fasse point irruption. Nous allons sortir par le jardin de l’abbaye ; et par cette issue l’on va aussi emporter la Pucelle, car elle serait massacrée par ces bonnes gens, et il ne faut point cela… non, il faut qu’elle vive encore. Elle n’est qu’évanouie ; on la réconfortera dans sa prison.

Le comte de Warwick quitte l’estrade, l’évêque donne ses instructions aux deux pénitents qui soutiennent Jeanne Darc, complètement privée de connaissance ; ils la soulèvent, l’un par dessous les bras, l’autre par les pieds, descendent les degrés de l’échafaud, et, chargés de leur fardeau, se dirigent en hâte, à travers le cimetière, vers le jardin de l’abbaye, tandis que les soldats anglais, obéissant, non sans hésitation, aux ordres de leurs chefs, qui leur promettent le prochain supplice de Jeanne Darc, serrent leurs rangs devant la porte du cimetière, et s’opposent ainsi à l’irruption de la foule, qui demande à grands cris la mort de la sorcière !


Vous frémissez d’épouvante, fils de Joel ! des larmes d’indignation, de douleur, coulent de vos yeux ! Vous le croyez à sa fin, le martyre de la vierge des Gaules ? vous croyez que, transportée agonisante dans son cachot, elle y va mourir ?… — Non, non, il faut qu’elle vive encore, — a dit l’évêque Cauchon, il faut qu’elle vive ! et elle vivra pour souffrir plus qu’elle n’a encore souffert durant son long martyre… puis elle sera jetée dans les flammes… Écoutez, écoutez…

Jeanne Darc, après son abjuration solennelle, a été apportée mourante, non dans son cachot (il fallait à tout prix la rappeler à la vie, lui donner assez de forces pour qu’elle pût subir de nouvelles tortures), mais dans une chambre du château de Rouen ; là, elle a reçu les soins les plus empressés. Par ordre de l’évêque, afin d’éloigner