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Jeanne Darc, songeant aux chastes motifs qui l’avaient décidée à revêtir les habits d’homme, tant que sa mission divine l’obligerait de vivre dans les camps au milieu des soldats, se rappelant aussi avec quel empressement les prêtres… prêtres comme ses juges, l’admettaient à la confession et à la communion, lorsque, couverte de son armure de guerre, elle venait solennellement remercier Dieu de lui avoir octroyé la victoire ; Jeanne Darc se demandait, dans son bon sens, par quelle aberration d’autres prêtres du Christ voyaient en elle une blasphématresse, une idolâtresse à l’exemple des gentils !

le chanoine maurice. — « Sixièmement, Jeanne, tu as dit que souvent, en tête des lettres que tu adressais aux chefs de guerre ou autres, tu faisais écrire ces noms divins : Jesus Maria, et qu’ensuite tu traçais au bas desdites lettres le signe révélé de la croix ; dans ces lettres homicides, tu te vantais de faire occire ceux qui résisteraient à tes commandements altiers ; tu as affirmé que tu parlais et agissais ainsi par inspiration et suggestion divine.

» Jeanne, l’Église te déclare traîtresse, menteuse, cruelle, désireuse de l’effusion du sang humain, séditieuse, provocatrice de la tyrannie, blasphématrice de Dieu dans ses commandements et révélations ! »

Jeanne Darc, à cette accusation encore plus stupide qu’elle n’était inique, ne put retenir un frémissement d’indignation. On l’accusait de cruauté ! on l’accusait d’avoir fait à plaisir couler le sang humain ! elle qui, le jour même de son entrée triomphante à Orléans, voyant un captif anglais tomber sous les coups d’un soudard brutal, émue de pitié, s’était élancée de son cheval, puis agenouillée près du blessé, dont elle soutenait la tête, avait imploré pour lui la commisération des assistants ! Elle désireuse de l’effusion du sang humain ! elle qui vingt fois sauva du massacre des prisonniers anglais et les renvoya libres ! elle qui fit écrire, sous la pieuse invocation du Christ, tant de lettres empreintes de ses vœux ardents pour la paix ! elle qui dicta cette touchante missive au duc de Bourgogne où elle le suppliait de mettre fin aux désastres de la guerre civile ! elle qui marchait toujours