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l’entendre, condamné la vierge guerrière à une mort horrible ; ils se savaient à l’avance absous, justifiés, par les lois de l’Église, puisqu’elles ordonnent ces meurtres abominables, sous prétexte d’hérésie et au nom du maintien de la foi catholique ; ils étaient décidés d’infliger à cette malheureuse enfant de dix-neuf ans à peine tous les martyres, depuis ceux de la torture jusqu’à ceux du bûcher ; cependant ils tressaillirent au cri sublime de la pudeur de cette vierge, qui, menacée d’un supplice affreux, demandait à ses bourreaux, comme grâce suprême, une chemise de femme pour aller à la mort, parce que cette chemise était plus longue !… parce qu’elle pourrait ainsi mieux dérober le chaste corps de la victime aux licencieux regards de la foule !…

Ô fils de Joel ! à l’heure où j’écris cette légende, de pieuses larmes coulent de mes yeux, vos larmes couleront aussi alors que vous lirez cette dernière prière adressée par notre sœur plébéienne à ses bourreaux… votre cœur, comme le mien, bondira de haine et d’horreur lorsque vous lirez ces mots de l’évêque Cauchon à ses complices, dont quelques-uns, à son grand courroux, semblaient quelque peu attendris :

— Mes très-chers frères, nous allons nous réunir dans une salle de la tour afin de délibérer sur l’urgence de la torture à infliger à ladite Jeanne…

L’évêque et les juges sortent du cachot, suivis des greffiers ; Jeanne Darc reste seule.


Le tribunal ecclésiastique est assemblé dans une salle basse, sombre et voûtée ; le greffier vient de lire aux prêtres-juges le dernier interrogatoire, auquel plusieurs d’entre eux n’ont pas assisté ; ils s’apprêtent à délibérer sur la question de savoir si l’accusée sera mise ou non à la torture. Vous allez lire les noms des délibérants ; ne l’oubliez jamais, fils de Joel, ces noms aussi doivent être écrits en traits de sang dans la mémoire des hommes.