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» — Je vais en ces mondes mystérieux que personne ne connaît et que tous nous connaîtrons ; — où personne n’est allé, — et où tous nous irons, — pour revivre avec ceux que nous avons aimés… »

— Ces mondes-là, — dit Jeannette, — c’est le paradis où sont les anges et les saintes du bon Dieu, n’est-ce pas, marraine ?

Sybille secoua la tête d’un air de doute sans répondre à sa filleule et continua le récit de sa légende :

« — En entendant Hêna leur dire adieu et au revoir, — son père et sa mère se regardèrent tristement ; — et s’attristèrent tous ceux de la famille, et aussi les petits enfants. — Hêna avait un grand faible pour l’enfance.

» — Pourquoi donc, chère fille, quitter ce monde-ci, — pour t’en aller ailleurs, — sans que l’ange de la mort t’appelle ?

» — Mon bon père, ma bonne mère, Hésus est irrité, — l’étranger menace notre Gaule bien-aimée ; — le sang innocent d’une vierge, offert par elle aux dieux, peut apaiser leur colère. — Adieu donc et au revoir, vous tous, mes parents, mes amis ; — gardez ces colliers, ces anneaux en souvenir de moi. — Que je baise une dernière fois vos têtes blondes, chers petits enfants. — Souvenez-vous d’Hêna, votre amie ; — elle va vous attendre dans les mondes inconnus.

» — Brillante est la lune, — immense est le bûcher ; — il s’élève auprès des pierres sacrées de Karnak. — La voilà… c’est elle… c’est Hêna !… — Elle monte sur le bûcher, sa harpe d’or à la main ; — elle chante ainsi :

» — Prends mon sang, ô Hésus ! et délivre mon pays de l’étranger ! — Prends mon sang, ô Hésus ! — Pitié pour la Gaule ! et victoire à nos armes !