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jeanne darc réfléchit un instant, elle se souvient des obscènes et grossiers propos de ses geôliers, et redoute leurs outrages, dont elle est plus facilement défendue par ses vêtements d’homme, cependant elle répond. — Me promettez-vous que, si je reprends mes habits de femme, j’entendrai la messe ?

le juge. — Oui.

(Mouvement d’impatience de l’évêque, qui, d’un regard, blâme le juge de sa maladresse.)

jeanne darc. — Alors, que l’on me donne une robe très-longue, je la mettrai pour aller à la chapelle ; mais en revenant dans ma prison, je reprendrai mes habits d’homme.

Le juge un instant auparavant blâmé par un coup d’œil expressif de l’évêque le consulte du regard afin de savoir si l’on peut accéder à la demande de l’accusée ; le prélat répond par un signe de tête négatif, et, s’adressant à Jeanne :

— Ainsi, vous persistez à conserver vos vêtements masculins ?

jeanne darc. — Je suis gardée par des hommes… ces habits me conviennent mieux.

l’inquisiteur de la foi. — En un mot, vous avez porté, vous portez ce costume volontairement ?… de votre plein gré ?

jeanne darc. — Oui ; et je le porterai toujours.

Un nouveau silence se fait ; les prêtres-juges triomphent de la réponse si catégorique de l’accusée, réponse terriblement grave, car l’évêque Cauchon dit aux greffiers :

— Vous avez exactement minuté les paroles de ladite Jeanne ?

un greffier. — Oui, monseigneur.

l’évêque cauchon, à l’accusée. — Vous avez souvent parlé de saint Michel… À quoi avez-vous reconnu que la forme qui vous est apparue était celle de ce bienheureux saint ?… Le démon ne pouvait-il prendre la figure d’un bon ange ?

jeanne darc. — J’ai reconnu saint Michel à ses conseils ; ils étaient ceux d’un ange et non d’un démon.