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de ses mots, symptômes ordinaires de la dangereuse perfidie des questions qu’il posait :

— Jeanne, lorsque vous entriez dans une ville, les habitants ne baisaient-ils pas vos mains, vos pieds, vos vêtements ?

jeanne darc. — Beaucoup le voulaient ; et quand de pauvres gens venaient ainsi à moi, je craignais, en les repoussant, de les chagriner…


Cette réponse de l’accusée doit être dangereusement invoquée contre elle ; plusieurs des juges prennent des notes, un sourire sinistre effleure les lèvres de l’évêque Cauchon. Il poursuit ainsi, consultant du regard son parchemin :

— Jeanne, avez-vous tenu des enfants sur les saints fonts du baptême ?

jeanne darc. — Oui, j’en ai tenu un à Soissons, deux autres à Saint-Denis.

l’évêque cauchon. — Quels noms leur donniez-vous ?

jeanne darc. — Aux fils, le nom de Charles, en l’honneur du roi de France… aux filles, le nom de Jeanne, parce que les mères le demandaient…

Ces mots, où se peignaient d’une manière charmante le tendre enthousiasme que la guerrière inspirait au peuple et la générosité qu’elle montrait pour Charles VII, persistant à l’honorer, non comme homme, mais comme roi, malgré sa féroce ingratitude, ces mots devaient être une charge de plus contre l’accusée ; quelques juges notèrent la réponse.


l’évêque cauchon. — Une mère, à Lagny, ne vous a-t-elle pas priée d’aller visiter son enfant mourant ?

jeanne darc. — Oui ; mais on l’avait déjà porté à l’église Notre-Dame. Des jeunes filles de la ville étaient agenouillées sous le portail et priaient pour cet enfant ; je me suis mise à genoux parmi elles, et j’ai aussi, à son intention, prié Dieu.

le chanoine loyseleur, dont la cagoule est complètement rabattue,