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— De ce pays-ci, marraine ?

— Oui, des marches de la Lorraine ; et qu’elle naîtrait près d’un grand bois de chênes[1].

Jeannette, les mains jointes, saisie d’étonnement, regardait Sybille en silence, et songeait que, selon la prophétie de Merlin, la France serait sauvée par une jeune fille de la Lorraine, peut-être même de Domrémy ? Cette libératrice ne devait-elle pas descendre d’un antique bois chesnu ? Le village de Domrémy n’avoisinait-il pas une forêt de chênes séculaires ?

— Quoi ! marraine, — reprit la bergerette, — il serait vrai… Merlin a prédit cela ?

— Oui, — répondit Sybille, pensant que sans doute étaient venus les temps où devait s’accomplir la prophétie du barde gaulois, — oui, il y a mille ans et plus, cette prédiction a été faite par Merlin.

— Et en quels termes, marraine ?… Le savez-vous ?

— Je le sais.

— Oh ! dites-le-moi, s’il vous plaît !

Sybille appuya son front sur sa main, se recueillit ; puis, d’une voix basse et lente, fit ainsi connaître à sa filleule cette mystérieuse prophétie, que l’enfant écouta dans un religieux silence :


la prophétie de merlin.


« — Quand le soleil se couche, quand la lune brille, je chante.

  1. Nous citons textuellement : Denis Laxart (oncle de ladite Jeanne) a déposé lui avoir entendu dire : « N’a-t-on pas prédit autrefois que la France, désolée par une femme, serait restaurée par une femme ? » (Procès de réhab. t. Il p, 444.) Ap. Jules Quicherat.
    …...Déposition de la femme d’Henri Rolhaire : « Jeanne a dit : — N’avez-vous pas entendu dire que la France, perdue par une femme, serait sauvée par une vierge des marches (frontières) de la Lorraine venue du bois chesnu (de chênes). » (Ibid., p. 447.)