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et je vous ramènerai un goddon (un Anglais) prisonnier, qui prendra sa part de notre souper[1].

Jeanne, montant à cheval, précédée de son écuyer, de son page et des trompettes de la ville, sonnant par son ordre le réveil et l’appel aux armes, traversa ainsi toute la cité, afin de se rendre à la porte de Bourgogne, où l’attendaient maître Jean le canonnier, le syndic des charpentiers, nommé Champeaux, et le syndic des pêcheurs, nommé Poitevin, tous deux aussi intelligents que résolus. La Pucelle, en parcourant ainsi les rues au bruit retentissant des clairons sonnant l’appel aux armes, voulait mettre les citadins en éveil et leur faire savoir qu’elle partait pour l’assaut, espérant ainsi contraindre les capitaines à la seconder dans un combat d’où dépendait la délivrance d’Orléans ; sinon, couverts cette fois d’une honte ineffaçable, exposés à l’indignation populaire par un refus de concours, ils risquaient leur vie. Jeanne en arrivant à la porte de Bourgogne y trouva maître Jean le canonnier, accompagné de ses deux amis, Champeaux le charpentier, Poitevin. le marinier. Au premier, elle commanda de façonner promptement, à grand renfort d’ouvriers, un pont volant destiné à être jeté sur la rivière ; il remplacerait les deux arches de l’ancien pont de pierre, depuis longtemps coupées par les Anglais, afin d’isoler les Tournelles du boulevard de la ville, en leur donnant la Loire pour fossé ; mais cette communication rétablie, selon que le voulait la guerrière, permettrait aux capitaines restés dans Orléans de s’avancer jusqu’au pied de la forteresse et de l’assaillir. La pose du pont et le commencement de cette attaque seraient annoncés par le tintement du beffroi ; à ce signal, Jeanne marcherait à l’assaut de son côté. Le charpentier promit que tout serait prêt en deux heures. L’écuyer Daulon fut chargé par Jeanne d’aller instruire de ces dispositions les chefs de guerre ; puis, prévoyant qu’ils pourraient ne pas exécuter ses ordres, ou combattre mollement, elle commanda au

  1. Déposition de Colette, épouse de Millet, t. III, p. 124. Procès de révision.