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elles culbutent ses premiers rangs, y jettent l’épouvante ; la confusion en criant :

— Le diable est avec cette sorcière !… les démons combattent pour elle !…

Les craintes superstitieuses des Anglais, portées à leur comble par le premier avantage de Jeanne et quelque peu calmées par son échec momentané, reprennent sur eux un nouvel empire, justifié par l’audace inouïe de ces hommes qui, naguère en fuite, retournent à l’attaque avec une si folle intrépidité. Les premiers rangs de l’ennemi enfoncés, l’alarme se propage d’autant plus vive, qu’en la partageant ceux qui se trouvent éloignés du centre de l’action ignorent la cause de cette brusque déroute. On se heurte, on se foule, on s’écrase, les ordres des chefs se perdent au milieu de cet effroyable tumulte, leurs efforts sont impuissants à conjurer cette défaite ; les cris des premiers fuyards : — « La sorcière a déchaîné sur nous ses démons ! » — se répètent de bouche en bouche. Pour comble d’effroi, les Anglais de la bastille de Saint-Privé, arrivant au secours des leurs, aperçoivent les bateaux, d’abord éloignés de la rive, y revenir encombrés de soldats, après avoir touché à l’autre bord, où étaient enfin arrivées les compagnies des chefs de guerre, ceux-ci, cédant non moins à un tardif point d’honneur qu’à l’exaspération des habitants d’Orléans, furieux de voir leurs milices seules au combat, se décidaient à opérer leur jonction avec la Pucelle[1]. À la vue de ce renfort, les Anglais regagnent à toutes jambes le couvent des Augustins, ceux de Saint-Privé pareillement, ceux des tournelles également ; aussi, lorsque les troupes amenées par le maréchal de Saint-Sever et autres chevaliers débarquaient sur la plage, la guerrière se préparait à attaquer le couvent des Augustins, sachant les vaillants qu’elle commandait capables de tout entreprendre, de tout oser, depuis leur prodigieux succès ; et ne voulant pas donner à l’ennemi le temps de

  1. Perceval de Cagny, ap. J. Quicherat, t. IV, p. 474.