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— Vous êtes un mauvais homme ! — s’écria la guerrière indignée, — je passerai, que vous le vouliez ou non ! Les bonnes gens d’Orléans me suivront… et nous vaincrons comme nous avons déjà vaincu[1].

Cette fière réponse de la Pucelle aux imprudentes paroles du capitaine royal, entendues par maître Jean et ses coulevriniers, répétées de rang en rang parmi les miliciens, causèrent une telle exaspération contre Gaucourt, que de toutes parts éclatèrent des cris furieux :

— À mort le traître !

— Il ose s’opposer au passage de la Pucelle !…

— À mort le traître !… à mort ses soldats, pires que les Anglais !…

Et maître Jean, ses coulevriniers, ainsi qu’une foule de citoyens armés, d’assaillir le Gaucourt et ses soudards. Ils furent d’abord roués de coups de manches de piques ; après quoi les plus animés des miliciens, non contents d’avoir à demi assommé le capitaine et sa bande, s’opiniâtraient à vouloir les pendre. Jeanne et les échevins obtinrent à grand’peine la grâce de Gaucourt et des siens. Il avoua, depuis, n’avoir jamais vu la mort de plus près qu’en ce jour-là.

La porte de Bourgogne ouverte, la troupe continue sa marche vers les bords de la Loire, dont les premières lueurs du jour rougissaient les eaux paisibles. Jeanne avait la veille, plusieurs fois, instamment recommandé aux échevins de veiller à ce qu’une vingtaine des grands bateaux de la Loire, appelés chalans, capables de contenir cinquante ou soixante hommes chacun, fussent dès le soir amarrés au rivage et prêts au point du jour à l’embarquement des troupes. De plus, comme elle n’oubliait rien, cinquante soldats devaient rester de guet, durant la nuit, à bord de cette flottille, afin de la défendre au besoin contre un coup de main des Anglais. Les échevins s’étaient eux-mêmes occupés de l’exécution des

  1. Ibid.