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de solder le concours des bandes mercenaires des Lahire, des Dunois, des Xaintrailles et autres capitaines de métier qui se louaient à beaux deniers comptants, eux et leurs hommes, à qui les payait. Dangereux auxiliaires, traînant toujours à leur suite une troupe de femmes de mauvaise vie et non moins pillards que les Anglais. Aussi, plusieurs fois, les échevins d’Orléans, citoyens résolus, qui conduisaient vaillamment leur milice sur les remparts, lors des assauts, ou hors la ville, lors des sorties, avaient eu de vives altercations avec les capitaines à propos des excès de leurs gens ou de leur mollesse à la bataille. Ces hommes d’armes de métier, n’ayant pas, comme les habitants, à défendre leur famille, leurs biens, leur foyer, se souciaient peu de la prompte levée du siége, hébergés, soldés qu’ils étaient par la cité. Les Orléanais attendaient donc avec une impatience inexprimable la venue de Jeanne Darc ; ils espéraient, grâce à elle, chasser les Anglais de leurs redoutes et pouvoir se délivrer de l’onéreux concours des capitaines français. Une foule compacte d’hommes, de femmes, d’enfants, contenus par la haie des militaires, occupent les doux côtés de la rue, à l’extrémité de laquelle est située la demeure de maître Jacques Boucher, trésorier, maison encore plus brillamment illuminée que les autres. Le bourdonnement de la multitude est dominé, tantôt par le tintement précipité du beffroi de l’Hôtel de ville, sonnant à toute volée, tantôt par les détonations des bombardes d’artillerie annonçant l’arrivée de la Pucelle ; les figures des citadins, naguère assombries ou abattues, respirent la joie, l’espérance ; chacun répète que la vierge lorraine, prophétisée par Merlin, vient secourir Orléans ; elle est belle à éblouir et inspirée de Dieu, elle est vaillante et douce d’un instinct militaire dont Dunois, Lahire, Xaintrailles, capitaines de renom, défenseurs soldés de la ville, ont été eux-mêmes frappés la veille lors de leur entrevue à Blois avec la guerrière. Deux de leurs écuyers, arrivés durant le jour à Orléans, ont raconté cette merveille qui circule de bouche en bouche, et annoncé pour le soir même l’en-